Les muscles saillants, la voix grave et posée, David fait partie de ces hommes qui font naturellement autorité. Depuis une douzaine d’années, il est une des figures des « PK », comme on appelle ici cet écart de Kourou, qui longe le fleuve du même nom, à une quinzaine de minutes en voiture de la ville. « Je suis arrivé à Kourou en 1984, avec mon oncle, j’avais 7  ans. » à cette époque, les Saramacas étaient nombreux à quitter le Suriname, pays voisin de la Guyane, pour venir travailler à Kourou : en plus du centre spatial, c’était une ville entière qu’il fallait construire. Le début d’une vie entre deux pays, de part et d’autre du fleuve-frontière Maroni.

Travailleur et persévérant, David apprend le français et se fait vite remarquer par sa connaissance hors pair de la forêt. Digne hériter du peuple noir-marron, descendant d’esclaves qui avaient fui les plantations au Suriname, il connaît chaque plante, reconnaît chaque empreinte laissée sur le sentier, lit dans chaque méandre du fleuve le meilleur endroit où faire glisser la pirogue. « Dans la forêt, il faut savoir tout faire, c’est dans notre culture », reconnaît-il simplement. Il en a fait son métier : guide, piroguier, puis, depuis une douzaine d’années, gardien du camp touristique Cariacou, un havre de verdure où il passe cinq jours par semaine, « bien mieux que dans le béton à Kourou ». Il a construit lui-même sa maison selon l’architecture traditionnelle saramaca. Et, il y a quelques années, a formé sa propre équipe de pirogue, une jeune discipline typiquement guyanaise, en plein boom. « Au début, je souhaitais former une équipe entièrement saramaca, mais c’était dur de motiver tout le monde sur la durée. On s’entraîne deux ou trois fois par semaine, cela demande beaucoup d’efforts. Finalement, aujourd’hui, on a quelques Saramacas mais l’équipe est très cosmopolite. Le président de l’association, par exemple, est espagnol. » à la barre, David amène régulièrement son équipe à la victoire, mais ce qui l’intéresse avant tout, c’est de partager son savoir.

Tout juste majeur, le plus grand de ses fils a intégré l’équipe. Mais la transmission est plus difficile qu’avant, constate tristement David : « Aujourd’hui les jeunes ne connaissent plus le pays. La langue, ils la mélangent avec le créole… » Pas de quoi décourager l’héritier saramaca, qui a prévu de rentrer au pays, définitivement, quand sonnera l’heure de la retraite. « J’ai encore tant de choses à apprendre », souffle-t-il.

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