« Planter, c’est ça la solution ! »

Des oiseaux qui chantent, des insectes qui bourdonnent au-dessus des herbes folles… En vingt-cinq ans, cet ancien champ agricole est devenu un havre de verdure.

Quand Bruno Heck a acheté ce terrain de 3 hectares au grand cèdre, sur la commune du Fousseret, il n’y avait plus un arbre, plus une haie, plus de vie. « On a planté plus de 1 700 arbres : des merisiers, des chênes, des frênes… Aujourd’hui, on a recensé une trentaine d’espèces d’oiseaux, le nombre d’espèces d’insectes a augmenté de 40 % et la croissance est exponentielle. Pareil pour les mammifères, les batraciens et les chiroptères. Pourtant, tout autour, on a 300 hectares de champs traités chimiquement. Comme quoi, ça n’empêche pas la biodiversité de revenir, même sur un petit espace ! »

Originaire de l’est de la France, Bruno a découvert la région en tant que conseiller agricole, dans les Pyrénées. « Mais j’ai vite compris que ce n’était pas pour moi ! » Il en a gardé le goût du dialogue et l’art de pousser les portes.

Les enfants viennent y découvrir la nature

Aujourd’hui, au grand cèdre, il élève des bouviers bernois et accueille chiens et chats en pension. Une activité qui lui permet de mener son combat pour la préservation de la nature. « Elle se bat mais elle ne peut pas gagner toute seule », confie cet hyperactif, toujours curieux d’apprendre. Il y a douze ans, avec quelques amis, ils décident de créer une association. Les Fous du bois étaient nés. Le postulat de départ est simple : « Pour sauver la planète depuis Le Fousseret, on ne peut pas arrêter nos voitures, on ne peut pas arrêter nos chauffages, mais on peut planter des arbres ! » Douze ans après, ils en ont planté plus de 40 000, dans toute la région. Dans des écoles, des terrains publics, chez des particuliers… « On aide tous ceux qui le demandent. » Les plants sont fournis par l’association voisine, Arbre et Paysage d’autan. « Un chêne de 50 ans abrite environ 40 espèces, 600 quand il a 150 ans ! Planter, c’est ça la solution, mais attention, pas n’importe quoi, uniquement des arbres de pays. Les pollinisateurs ne trouvent souvent pas de fleurs qui leur conviennent dans les essences d’arbres exotiques », précise Bruno.

Aujourd’hui, l’association compte deux salariés (une écologue et une animatrice de terrain), épaulés par 120 adhérents. Si elle rayonne dans toute la région, elle s’est naturellement installée au grand cèdre. Chaque année, entre 3 000 et 4 000 écoliers des environs viennent y découvrir la nature. Il y a une serre pour jardiner, un sentier pour observer les oiseaux…

L’association leur apprend aussi à réaliser très simplement des nichoirs et des hôtels à insectes. Elle a d’ailleurs réalisé un des plus gros qui existent en France, dans le Parc animalier des Pyrénées.

Mais depuis l’hiver dernier, les Fous s’activent davantage à une quinzaine de kilomètres de là, sur la commune de Polastron. L’association vient d’y acheter un terrain de 13 hectares pour en faire une réserve de biodiversité. Elle a prévu d’y planter 15 000 arbres.

Une ancienne zone agricole

« Comme nous l’avons fait au grand cèdre, nous voulons prouver qu’une zone agricole qui n’est plus exploitée (celle-ci était en vente depuis dix ans) peut devenir un lieu de multiplication des pollinisateurs et des mammifères, explique Bruno. En sachant que le rayon d’action des pollinisateurs sauvages est relativement réduit (500 mètres), il sera facile d’en mesurer l’impact. Comme il y a également deux sources et une zone humide, on va pouvoir prouver le rôle des arbres dans l’amélioration de la qualité de l’eau. C’est aussi un lieu où l’on pourra accueillir les étudiants, les scientifiques et le grand public, pour leur permettre d’étudier et de comprendre ces mécanismes. » Avec un espoir : faire classer ce nouveau site « future réserve de biosphère » par l’Unesco, l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.

Avec l’appui du Rotary, Bruno a été reçu au siège de l’agence internationale en mars dernier pour défendre le projet. « On a eu une oreille attentive mais les réserves de biosphère* ne sont pas prévues pour des cas comme le nôtre. Ce sont des lieux plus étendus, où la biodiversité est déjà existante. Le problème, c’est que quand on aura préservé toutes les réserves qui existent déjà sur la planète, il va bien falloir en créer de nouvelles ! Légalement, aujourd’hui en France, il n’y a aucun autre moyen de rendre le terrain indivisible et de le protéger à vie. La solution, ça pourrait être de l’acheter à plusieurs, sur le même principe qu’un groupement foncier agricole, mais rien n’est prévu pour un terrain qui n’est pas destiné à l’exploitation. Or, nous, on plante des arbres, et après on laisse pousser. »

Ça n’a pas empêché les « planteurs volontaires » et les enfants des écoles de mettre en terre les premières pousses, cet hiver. Au centre du terrain, qui descend doucement vers la zone humide, au bord du Touch, un agriculteur du coin a planté un peu de luzerne. « Il fait partie de l’association. Il nous donne un coup de main avec son tracteur et en échange il cultive un bout de terrain. Mais il sait qu’il va se réduire un peu plus chaque année ! » Un chantier que les Fous du bois ne mènent pas seuls. Avec d’autres associations et institutions partenaires depuis toutes ces années, ils ont su tisser un véritable réseau. « Il faut créer des liens, avec les agriculteurs, les chasseurs, les municipalités, leur expliquer ce que l’on fait. C’est important. Pour moi, la solution est forcément collective. On ne peut pas forcer les gens, il faut que ça soit un plaisir, celui du partage, de l’échange de connaissances », confie Bruno. Il espère aussi que leur démarche servira d’exemple à d’autres, dans la région et au-delà, pour créer partout des réserves de biodiversité.