Il ne voulait pas nous laisser partir sans nous emmener voir le rucher des Mellières. Un lieu magique, hors du temps, qu’Yves-Élie a découvert par hasard, il y a dix ans, alors qu’il se baladait dans ce bois pentu au-dessus du Tarn, en contrebas de la départementale qui mène à Florac. Il a d’abord vu le buis, que les anciens plantaient près des ruchers pour « soigner » naturellement les abeilles. En s’approchant, il a vu ces quelques ruches-troncs toujours debout, plus d’un siècle après leur construction. Nichés au cœur de la forêt, tels des gardiens sur leur terrasse creusée dans la montagne, ils ont résisté au passage du temps. Le tronc de châtaignier est toujours debout ; les pierres de lauze, recouvertes de mousse, posées dessus. Seules les abeilles, elles, ne sont plus là. Le propriétaire du terrain ne connaissait pas l’existence de ce rucher, bâti par son grand-père.

Combien de ruchers-troncs ont-ils été ainsi oubliés ? « Certainement des centaines de ruchers rien que dans la vallée, c’est-à-dire des milliers de ruches. À une époque, dans les années 60-70, on n’en parlait plus, on en avait même presque honte », confie Yves-Élie.

Les ruchers-troncs ont été oubliés. Témoins d’une époque révolue où chaque famille produisait son miel. Les abeilles y butinaient les fleurs de châtaigniers mais aussi les fleurs des cultures pratiquées tout autour, sur des terrasses aujourd’hui envahies par les arbres et les genêts.

Inspiré du processus de nidification naturel des abeilles dans les troncs d’arbres creux, la ruche-tronc est un modèle ancestral d’apiculture sédentaire, où les abeilles mènent une vie très proche de l’état sauvage. « C’est une tradition millénaire adaptée à l’Homme et à la nature. Retrouver le lien avec la nature, c’est aussi retrouver la part culture de l’agriculture. » En voulant préserver l’abeille noire, les apiculteurs de L’Arbre aux abeilles se sont naturellement attelés à restaurer et repeupler ces ruchers traditionnels. Auprès de Paul Chapelle, le doyen (auquel Yves-Élie a consacré un film), ils ont réappris les savoir-faire traditionnels qui y sont liés.

Directement inspirés de la nature

Pour la première fois depuis très longtemps, ils ont aussi bâti un nouveau rucher-tronc, dans la Vallée de l’abeille noire, un pont entre tradition et modernité. Il n’est pas encore terminé mais ils espèrent y installer les premières colonies au prochain printemps. Rien n’a été laissé au hasard : son emplacement, son exposition… Comme dans le temps, ils ont construit des murs de pierre pour le protéger du vent, les ont posés sur une grande dalle sensiblement inclinée vers l’arrière pour éviter que l’eau ne stagne sous les ruches… Des ensembles architecturaux remarquables et bioclimatiques avant l’heure, inspirés de la nature pour assurer aux abeilles bien-être et sérénité.

Depuis cet été, L’Arbre aux abeilles a mis en place un parcours de découverte pour que le public puisse explorer, à son rythme, quatre ruchers-troncs d’hier à aujourd’hui. Dans le bois des Mellières, les gardiens sortent définitivement de l’oubli.

Retrouver l’intégralité de l’article dans le numéro #2 d’Oxytanie


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