Entre les anti et les pro-loups, qui occupent l’espace médiatique, y-a-t-il de la place pour une troisième voix ? Fin octobre 2018, le Parc naturel régional des Grands Causses, dans le Sud Aveyron, décidait de faire entendre la sienne. Depuis le retour du loup sur le territoire, le Parc est dans une situation ambigüe. « Il ne s’agit pas d’alimenter le débat pour savoir si le loup a sa place ou non sur ce territoire d’élevage (…) mais d’appréhender l’arrivée du loup non pas seulement comme une progression de la biodiversité locale mais également comme un levier de régression de celle-ci », écrit Alain Fauconnier, président du Parc. Ce qu’il appelle, plus loin, un « conflit de biodiversité ».
Le loup, symbole de la nature sauvage, peut-il aussi faire régresser la biodiversité des territoires qu’il colonise ?
« Concrètement, on a sur un même territoire une directive européenne Habitats naturels, faune, flore, qui s’applique avec deux objectifs qui peuvent paraître contradictoires, à savoir protéger le loup et conserver la biodiversité remarquable des milieux ouverts agropastoraux », explique Laure Jacob, chargée de mission milieux naturels, faune, flore au PNR des Grands causses, qui s’empresse d’ajouter : « Ce n’est pas une contradiction mais un double enjeu. On a une double mission : c’est bien à la fois de conserver la biodiversité liée à l’utilisation des parcours, et à la fois de conserver une espèce qui potentiellement peut créer des nuisances à ce milieu. »
Situé à l’intersection de trois domaines biogéographiques (continental, méditerranéen et atlantique), le Parc des Grands Causses compte 19 sites Natura 2000, des espaces protégés au niveau européen. Et parmi eux, les habitats agropastoraux, façonnés par l’activité agricole pendant des siècles. Sur les grands causses, les éleveurs sont les gardiens de ces milieux semi-naturels, des landes et des prairies d’une biodiversité exceptionnelle.
« Il y a des moyens de concilier le maintien de l’élevage
et le retour d’une vie sauvage »
« Ce ne sont pas les espèces elles-mêmes qui sont rares. Ce qui est remarquable, c’est l’assemblage de ces espèces, c’est un habitat naturel particulier. » Sauf que le retour du loup le met en danger. Pour se prémunir des attaques, il est tentant pour les éleveurs de laisser les brebis en bergerie plutôt que de les emmener sur les parcours. « L’agropastoralisme permet un certain maintien de ces milieux ouverts, précise Laure Jacob. Mais ils sont très instables, en évolution permanente. En l’absence de pâturage, c’est la broussaille, puis la forêt, qui prend le dessus. Tout un ensemble d’espèces végétales et animales associées à ces espaces disparaissent. »
Que faire alors ? « Comme tous les parcs naturels, on est un territoire d’expérimentation, rappelle la chargée de mission. Nous sommes à la disposition des chercheurs, des spécialistes du loup et de l’agriculture pour tester des méthodes, des solutions, avec des protocoles scientifiques solides. » Objectif : trouver des marges de manœuvre et d’adaptabilité. Il n’y aura pas de solution toute faite ou définitive prévient-elle. « C’est compliqué parce que chaque territoire, chaque élevage est différent, on ne peut pas faire de généralités. Il faut prendre en compte la situation et l’envie de chaque éleveur, faire du cas par cas. Et nous tenir prêts à aider ceux qui sont prêts à chercher des solutions. »
Elle qui a vécu la réintroduction du vautour dans le Parc sait qu’il faudra du temps. « C’est un succès qui nous sert aujourd’hui. Le loup est revenu tout seul, lui, mais on sait qu’il y a des moyens de concilier le maintien de l’élevage et le retour d’une vie sauvage. »
Retrouver l’intégralité de l’article dans le numéro #2 d’Oxytanie (septembre-octobre-novembre 2019)
Contrairement à l’ours qui a été ré-introduit volontairement dans les Pyrénées, le loup est revenu naturellement en France depuis l’Italie. Il a été repéré la première fois en 1992 dans le Parc national du Mercantour, dans les Alpes-Maritimes. En Occitanie, les premiers indices de sa présence ont été relevés sept ans plus tard. Depuis, le loup est installé dans une bonne partie de la région, avec une petite dizaine de zones de présence permanente.
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Article extrait du numéro #2
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